Christian Caujolle, 2010
  17èmes Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort
   
 
L'affaire est entendue et, d'ailleurs, nous n'en avons jamais discuté. Nicolas n'est pas photographe, comme il l'a parfaitement expliqué lors de la présentation des travaux sur lesquels il avait été sélectionné par le jury. Tout jeune artiste s'interrogeant sur l'espace, il se reconnaît davantage dans une pratique de sculpteur que dans toute autre, mais en considérant la sculpture dans sa problématique actuelle la plus fréquente, à savoir un questionnement de l'espace. Alors Nicolas investit des lieux, avec une prédilection pour les anciens ateliers, usines, friches industrielles et autres cadres marqués par une activité abandonnée, il s'y établit, s'approprie le lieu, déplace, replace, installe les objets trouvés sur place sans jamais éprouver le besoin d'en apporter de nouveaux. Il marie teintes et matières, regarde, déplace à nouveau un élément et, comme tout bon sculpteur, tourne autour de son objet, étudie la façon dont il modifie, fabrique et définit l'espace global. Puis il choisit une perspective qui lui semble la plus judicieuse pour que, en regardant, nous puissions percevoir ce qu'est son propos. Il faut ajouter que ses installations, si elles font dans la précision – on n'est tout de même pas suisse pour rien – restent toujours discrètes, légères, jamais démonstratives et spéctaculaires. C'est alors qu'intervient la photographie. Nicolas photographie le résultat de son travail. Pour garder trace, pour mieux voir aussi. La photographie comme mémoire et outil dans un travail, dans un processus créatif. Sans plus pourrait-on dire au vu des images présentées en début de résidence. Sans plus si ce n'est que l'on pouvait y percevoir, certainement non formulées de façon précise, une réele attention au travail de la lumière et un souci du cadre et du point de vue qui, allié à la question des matières et de leur mise en évidence par l'éclairage démontraient une fois de plus que le plus intéressant de la photographie établit un dialogue profond bien plus riche avec la sculpture qu'avec la peinture qu'elle singea déplorablement. De multiples raisons nous ont amenés à ne pas discuter de savoir si Nicolas était photographe. D'abord, il y en avait de bien plus importantes, à chaque instant. Puis, cette question qui sous tendait le vieux débat entre art et photographie qui a empoisonné – et continue de polluer – stupidement la perception de l'image argentique depuis un siècle et demi ne méritait pas qu'on s'y arrête. Il n'y a pas que la photographie dans la vie, heureusement, et la vie est bien trop courte pour que l'on se perde dans des discussions qui ne devraient plus avoir cours.
Nicolas n'était peut-être pas photographe, mais, pour notre bonheur, il y avait Nicolas. Avec son absence d'a priori, sa courtoisie, son humour, ses rires, et son cœur gros de vraie générosité et de tendresse attentive. Un Nicolas qui, avant tout chose, avait besoin – ce qui n'est jamais facile – de trouver un ou des espaces où travailler. Il y avait des envies et des impossibilités. Et, forcément, il y eut des découvertes et des bonheurs, des surprises, des objets, de la lumière, des cartons, de la poussière, des détritus et même, bienvenu, un imperméable abandonné qui surgit fort à propos. Sans avoir l'air d'y toucher, sans effort apparent, avec une vraie économie de moyens, Nicolas se fixa quelques objectifs et décida de ne pas produire beaucoup d'images mais de les mener à l'excellence. Repérages, apprentissage de la lumière, écoute de conseils techniques d'autres participants ou de nos brillants responsables, il est allé droit au but. Un cadre plus ferme, plus déterminé et, je pense, une compréhension plus fine et plus profonde de ce qu'est, dans sa nature, le medium qu'il ne valorise pas en tant que tel mais dont il a su tirer, par rapport à son propos, le meilleur. J'ai le sentiment, ne lui en déplaise, que Nicolas, à défaut d'être photographe – ce qui n'a aucun intérêt en soi ni aucune importance au fond – à la fin de la résidence a appris un certain nombre choses sur les dispositifs à l'intérieur de la photographie et qu'il en a mis en œuvre l'efficacité possible. D'ailleurs, il fut le premier à avoir terminé sa prestation. Et fort bien.
Je pense que Nicolas, poursuivant son travail avec rigueur, est tout bonnement plus photographe qu'avant. Comment expliquer autrement que, au dernier jour, il ait pris l'initiative, juste par plaisir, de réaliser en noir et blanc le portrait de tous les participants, d'installer son pied et que, pour la première fois, il ait avec jubilation développé ses premiers rouleaux ? Mais je dis ça comme ça.

  > TEXT IN ENGLISH (Translation: Paul Muse)
  Nicolas Raufaste
   
  RAWFAST
   
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